Dr Timothée LEREBOUR, 10/02/2025, Centre Aquitain d’Imagerie
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Qu’est-ce que la discopathie ?
C’est un terme très fréquemment retrouvé dans les comptes-rendus de radiographies, scanner et IRM. Ce terme est source d’inquiétude pour le patient, pourtant c’est un mécanisme de vieillissement normal retrouvé chez tout le monde, comme les rides !
Il s’agit en réalité d’une usure du disque, que l’on pourrait comparer à une éponge et qui va perdre ses propriétés d’élasticité et s’affaisser.
Ce phénomène physiologique commence vers 20-30ans et se poursuit tout au long de la vie, de façon plus ou moins importante selon le métier et l’activité sportive que l’on pratique.
La discopathie au sens strict du terme n’est pas responsable de symptômes, elle est à différencier de la hernie discale et des autres causes de douleurs, notamment le Modic 1.
Qu’est-ce que le remaniement inflammatoire Modic 1 ?
Modic fait référence à un médecin à l’origine d’une classification parue à la fin des années 1980.
Cette classification décrit des anomalies de signal IRM des corps vertébraux secondaire à une discopathie.
Le Modic 1 correspond à des remaniements inflammatoires et donc douloureux des plateaux vertébraux. Encore une fois, ce n’est pas la discopathie qui est responsable de la douleur mais elle est à l’origine des remaniements Modic.
Plus les remaniements Modic 1 sont étendus aux corps vertébraux, plus la douleur est importante.
Le Modic 2 correspond à des remaniements graisseux des corps vertébraux, en pathologie ostéo-articulaire, la présence de graisse traduit des phénomènes de cicatrisation.
L’histoire naturelle du Modic 1 symptomatique est d’evoluer vers un Modic 2 asymptomatique. Le problème est que ce mécanisme est très long, entre 2 et 3ans en moyenne, d’où la nécessité de trouver des solutions aux douleurs des patients.
Le Modic 1 est parfois décrit à tort comme de l’arthrose, ce qui n’est pas tout à fait le cas.
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Quelle est l’évolution naturelle de cette pathologie ?
Le disque n’est pas une structure qui se régénère spontanément, la discopathie va donc évoluer et le disque va perdre de plus en plus de hauteur.
L’inflammation liée au Modic 1 lorsqu’elle est présente va accompagner ce processus alternant avec des phases plus ou moins douloureuse.
La guérison spontanée survient dans la grande majorité des cas mais au prix de long mois de douleurs. Cette guérison survient quand les 2 vertèbres adjacentes au disque défaillant fusionnent, ce qui entraine une disparition de l’inflammation, des douleurs et une conversion en Modic 2.
Cette fusion spontanée des 2 vertèbres n’entrainent pas de perte de mobilité pour le patient.
Quelles sont les caractéristiques de la douleur du Modic 1 ?
Cette pathologie touche essentiellement la population jeune aux alentours des 40ans, entrainant un absentéisme professionnel et surtout des conséquences psychologiques (mauvais sommeil, irritabilité, inactivité sportive, dépression etc..)
La douleur du Modic 1 est une lombalgie commune présentant les caractéristiques suivantes :
- Évolution chronique (>3mois)
- Lombalgie basse prédominante, parfois associée à des radiculalgies, c’est-à-dire des trajets douloureux dans les fesses et les jambes, plus marqués d’un côté que de l’autre.
- Douleur inflammatoire : réveil nocturne au changement de position et dérouillage matinal avec amélioration progressive au cours de la journée.
Quels sont les facteurs de risques incriminés ?
Ces facteurs de risques ne sont pas spécifiques du Modic mais retrouvés dans toutes les causes de lombalgies communes
Cause génétique : prédisposition familiale, origine ethnique
Mode de vie :
- Sédentarité
- Problème psychologique et socioprofessionnel
- Troubles du sommeil
- Tabagisme
Quels sont les différents traitements ?
Traitement de 1ère intention :
Prise en charge médicamenteuse par antalgique, anti-inflammatoire et corticothérapie sur une courte période, associée à une prise en charge par kinésithérapie.
Néanmoins du fait de l’évolution chronique, certains médicaments sont mal tolérés notamment les anti-inflammatoire du fait de leur effets secondaire sur l’estomac.
De même ; la kinésithérapie, indispensable pour les problèmes de dos peut être inconfortable au pic de la douleur et empêcher le bon déroulement du renforcement musculaire, elle est donc à privilégier lorsque la douleur est moindre.
Traitement de 2eme intention :
Les infiltrations rachidiennes : il en existe plusieurs types : épidurale, foraminale, articulaire-postérieure et intra-discale. Ces infiltrations doivent être réalisés sous guidage radiologique (scanner, scopie) afin d’avoir un contrôle très précis du positionnement de l’aiguille.
Dans le cadre des Modic 1, l’infiltration intra-discale est la plus efficace.
Traitement de 3eme intention :
La chirurgie avec 2 techniques :
- L’arthrodèse qui consiste en une fixation soit par voie antérieure soit par voie postérieure, à l’aide de vis, le but étant d’accélérer la fusion osseuse entre les segments vertébraux. Comme mentionné plus tôt, l’évolution naturelle du Modic 1 est la fusion osseuse lorsque le disque devient totalement incompétent, cette fusion osseuse s’accompagne d’une levée des douleurs mais c’est un processus naturel très long. L’arthrodèse chirurgicale vient donc accélérer le processus. Néanmoins, chez le sujet jeune, on essaie d’éviter au maximum une chirurgie lourde qui aura des conséquences musculaires (si arthrodèse postérieur) et sur les segments vertébraux adjacents. C’est pour cette raison que la chirurgie n’est pas proposée d’emblée.
- La prothèse discale : dans ce cas, le but n’est pas de bloquer mais de conserver la mobilité du segment vertébral. Cette chirurgie est moins délétère pour les muscles car la voie d’abord est antérieure mais la discopathie ne doit pas être trop évoluée pour retenir l’indication.
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Quel est le principe de l’infiltration intra-discale ?
L’infiltration intra-discale consiste en l’introduction d’une aiguille très fine dans la partie centrale du disque pathologique, là où l’inflammation est la plus importante en IRM pour y délivrer un corticoïde (hydrocortancyl) qui a une action anti-inflammatoire.
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Quelles sont les bénéfices attendus ?
- Disparition partielle ou totale de la douleur permettant une reprise progressive des activités, de la kinésithérapie et un bien-être psychologique.
L’effet dans le temps est en revanche difficile à estimer et très dépendant des patients, cela peut aller de quelques semaines à plusieurs mois, mais il faut tenter le geste pour avoir cette information. En cas de réapparition des douleurs, on peut proposer une nouvelle infiltration (théoriquement 3 infiltrations/année)
- Prouver l’origine de la douleur : si l’infiltration est efficace même temporairement, c’est une donnée importante pour le chirurgien qui aura plus d’argument pour proposer une chirurgie, on parle alors de test diagnostique.
Quels sont les risques et les complications ?
Risques communs à toutes les infiltrations :
- Risque hémorragique : rare du fait du petit calibre des aiguilles utilisés, il est important de mentionner toute prise de traitement anti-agrégant ou anti-coagulant.
- Risque infectieux : rare également, le geste est réalisé en condition d’asepsie au bloc opératoire. L’antibioprophylaxie n’est pas recommandée pour ce geste.
- Risque neurologique : risque exceptionnel, Les corticoïdes particulaires (hydrocortancyl) ne doivent pas être injecté dans des vaisseaux du fait du risque de thrombose et d’ischémie en fonction du vaisseaux atteints, raison pour laquelle, une étape d’opacification préalable est réalisée pour s’assurer de l’absence de contamination vasculaire.
Risque spécifique à l’infiltration intra-discale :
- Ponction iatrogène du nerf spinal : le trajet de l’aiguille passe à quelques millimètres du nerf spinal. En cas de douleur à type de décharge dans la jambe, il est important de le notifier au médecin pendant le geste afin de repositionner correctement l’aiguille. Cette douleur est brève et transitoire.
Comment le geste se déroule-t-il en pratique ?
Nous réalisons ce geste lors d’une hospitalisation courte en ambulatoire (une ½ journée), vous devez bien penser à ramener le produit de l’infiltration (hydrocortancyl)
Le geste est réalisé sous sédation anesthésique (anesthésie générale consciente sans intubation) ou sous anesthésie locale. La sédation anesthésique est recommandée chez les patients qui ont une appréhension ou un stress vis-à-vis du geste.
Pour le geste le patient est positionné sur le ventre, si cette position est inconfortable, il est préférable de réaliser le geste sous sédation anesthésique. Une anesthésie locale de la peau et du trajet est réalisée pour mettre en place une aiguille sous guidage scopique dans la partie centrale du disque.
Une fois en place, une première injection de produit de contraste permet de confirmer le positionnement et de s’assurer de l’absence d’opacification vasculaire qui contre-indiquerait l’injection de corticoïdes particulaires.
Si l’opacification est satisfaisante, 2ml ou moins d’hydrocortancyl sont injectés dans le disque.
Un pansement est mis en place et le patient retourne en ambulatoire pour une surveillance courte avant le retour à domicile (accompagnement obligatoire si sédation anesthésique)
Un repos relatif est préconisé pendant 48heures, cela signifie que le patient peut se lever, se déplacer mais ne doit pas prévoir de long trajet en voiture ou une activité soutenue.
Les douleurs peuvent se majorer au début mais passent généralement au bout de 48heures,
L’effet bénéfique de l’infiltration peut être retardée jusqu’à 7 jours, il faut donc être un peu patient.
Cas particulier de l’infiltration intra-discale en L5-S1 ?
Le disque L5-S1 est techniquement plus difficile d’accès car il est « encastré » dans le bassin et les crêtes iliaques peuvent rendre plus difficile l’abord. Il a également une obliquité plus marquée que les autres disques.
Néanmoins nous parvenons dans la majorité des cas à infiltrer cet espace au prix d’un temps d’intervention un peu plus long.